Jose's cantina

Stan profita de la route pour discuter avec ses bénévoles, essayer d'en savoir un peu plus sur eux. La voiture s'arrêta devant la cantina et Wyatt briefa rapidement le candidat sur le patron et les environs.

- C'est parti, les enfants.

Ils sortirent de la voiture et commencèrent à marcher dans la rue.

- Des dernières consignes avant que ça commence ? demanda Stan à son directeur de campagne.

Ils poussèrent la porte et Stan afficha son plus beau sourire.

Emilio, leur chauffeur était originaire du quartier sud. Fervent supporter des Seahawks, il souhaitait la sécurité de son quartier, en ce moment au main du Phoenix.
Laury et Pamela était deux étudiantes en droit qui cherchait à blinder leur CV par des actions sur le terrain. Un peu intimidée elles étaient néanmoins très volontaire et désireuses d’être utile.

L'arrivée du petit groupe ne passa pas inaperçue et pas mal de tête se tournèrent à leur entrée.

- Fait ton Stan charmant et meneur d'homme, ça devrait marcher. Et laisse "Dony la Morale" au vestiaire.

Un homme d'une quarantaine d'année, le crane rasé et aux bras recouvert de tatouages vint les accueillir.

- C'est un honneur de vous avoir chez moi ! fit-il en faisant disparaitre la main du candidat dans son énorme pogne. Venez, on vous a réservé une place au bar. Je vous sert quelque chose ?

L'attroupement se referma derrière eux alors qu'ils gagnaient la position stratégique devant le comptoir. Tout el monde semblait curieux de voir de prés le "gars de la TV".

Stan s’arrêta net avant de franchir la porte.

- Dony la Morale ?

Il était content que Trish ne soit pas là, le surnom serait resté. En entrant, il se fit serrer la main par le patron et continua à sourire chaleureusement.

- Je suis très heureux de venir, Jose.

Sur l’invitation du patron, il s’installa au bar, envoyant un regard sympa à chacune des personnes qui s’étaient agglutinée autour de lui.

- La campagne, c’est très prenant. Ce midi, j’ai mangé le pire sandwich au pastrami de toute ma vie. Et j’ai servi dans les Marines, c’est dire si je m’y connais en mauvais plats. Donc, je suis venu parce qu’il faut absolument que tu me fasses oublier cette horreur avec ton célèbre burrito aux crevettes.

Il demanda un ginger ale pour accompagner et fit commander ses bénévoles ainsi que Wyatt.

Wyatt riait toujours lorsqu'il s’installèrent au bar pour déguster la spécialité locale. Une fois tout le monde assis sur des chaises haute, un vague silence se fit. Tout le monde attendait le début, sans oser prendre la parole. Finalement, le propriétaire des lieux roula les épaules et sonna la charge.

- Je vais pas vous mentir, ça fait bizarre de voir une huile ici. On en voit pas souvent. Même les flics, c'est plutôt rare pour dire la vérité. Ici, c'est plutôt "take care ans survive" plutôt que "Protect and serve". Alors quand je vous entend, à la télé, dire que vous voulez venir ici mettre de l'ordre... bah je me demande bien comment, vous voyez ?

Puisque Jose entrait dans le vif du sujet, Stan ne se fit pas prier pour le suivre et répondit avec autant de franchise que possible.

- Tant qu’ils continueront à se mettre des œillères et à se dire que tout va bien ici, ça ne risque pas de changer. Si on veut changer les choses, y a pas trente-six solutions, il faut prendre le problème à bras le corps. Je ne te dis pas que si je deviens DA, je vais tout changer du jour au lendemain d’un coup de baguette magique, mais je te promets que je ne vais pas rester derrière mon bureau à compiler des stats pour pouvoir me dire que tout va bien et m’auto-féliciter.

Stan avait adapté son langage à son auditoire. Il n’était pas en train de faire un discours devant des caméras, il discutait avec des gens. Il avait pris un ton amical, comme s’il discutait avec ses voisins. Il répondait à Jose, mais il regardait de temps en temps chacune des personnes présentes.

- Il va falloir augmenter la présence policière en rue, Jose. Il va falloir discuter, communiquer avec les habitants, via les piliers de la communauté, montrer aux jeunes qu’il n’y a pas que les gangs, que d’où qu’on vienne on peut se réaliser dans la légalité, tu en es la preuve vivante. Et puis pour ceux qui voudront faire en sorte que ce quartier reste « take care and survive », il faudra se montrer intraitable et punir. Ceux là, je vais leur montrer que je ne rigole pas, tu peux me faire confiance. C’est pour ça que je suis venu aujourd’hui. J’ai l’intention de m’attaquer aux problèmes qu’il y a ici. Mais je ne peux pas le faire seul. Je vais avoir besoin de votre aide à tous.

Alors qu'il parlait, Stan nota une jeune hispanique dans un coin de la salle en train de taper frénétiquement sur un petit ordinateur portable. IL ne lui donnait pas plus de vingt ans, physiquement, mais elle se servait de s machine avec le sérieux de quelqu'un de dix ans son aîné.

- Tout ça, j'ai bien compris, répondit José. C'est ce que vous dites depuis le début de votre campagne. Mais ici, ce qui nous intéresse, c'est le concret. Je veux dire, les dealer et les gangs, ils nous rendent la vie difficile, c'est sur. Mais si vous transformer le quartier en zone de guerre, c'est pas mieux !

Un murmure d'assentiment parcouru l'assistance. Le barman n'avait pas sa langue dans sa poche et il était simple de comprendre pourquoi il était le porte parole du quartier.

Stan jeta un bref regard à celle qu’il pensait identifier comme une journaliste puis il revint à sa discussion avec Jose.

- C’est justement pour ça que je suis venu, Jose, parce qu’il faut qu’on travaille ensemble, les habitants de ce quartier, la police et le DA. Si on discute, si on peut communiquer les uns avec les autres, si on peut se faire confiance, les choses peuvent se passer en douceur. Regarde ce qui s’est passé à New York. Entre 1990 et 2009, la délinquance a baissé dans tout New York de 77 %, parce que la police est intervenue pour chaque délit, y compris un délit mineur. Tout ça, sans mettre la ville à feu et à sang. La police est prête à faire ça, je le sais. Ce qu’il manque, c’est le soutien du DA. Pour que cette politique fonctionne et qu’elle soit mise en place, il faut que les délits soient poursuivis, pas qu’on relâche les petits délinquants au bout d’une heure avec une tape sur la main.

Il se tourna vers chacune des personnes présentes pour insister sur ce qu’il s’apprêtait à dire.

- Je ne dis pas que ça va être facile, ni que ça va se faire tout seul. Mais si on ne le fait pas, les choses vont continuer à empirer. On n’a pas le choix.

- Ce sont aussi nos enfants, fit une voix dans l'assistance. Doit-on les dénoncer?

Une femme hispanique d'une cinquantaine d'année regardait l'avocat, les lèvres serrées.

- Les gangs sont leur seuls horizons depuis toujours. Ils savent que c'est mal mais n'ont rien d'autres. Nous le savons tous ici. Mais après? Devons nous sacrifier la génération de nos enfants pour que la suivante puisse prospérer? Si elle le peut, bien sur, parce que si vous réglez les soucis de sécurité, nous n'aurons toujours rien pour vivre.

Wyatt, prés de Stan, lui fit un haussement de sourcil rapide. La question était dangereuse !

Stan se tourna vers la femme qui l’avait interpelé. Il était conscient de marcher sur des œufs, les questions de ce type étaient inhérentes à ce genre d’exercice, c’était aussi ce qui lui donnait son sel.

- Je n’ai pas envie de mettre vos enfants en prison. Et je ne vous demande pas de les dénoncer. J’ai des enfants moi aussi. Et si mon fils ou ma fille faisait une bêtise, j’essaierai de les pousser à assumer leurs responsabilités. Ca ne veut pas dire qu’ils vont finir en prison. Mais ça ne veut pas dire non plus qu’ils s’en sortiront sans rien. On peut trouver des arrangements et, pour les mineurs, des punitions en accord avec les parents, histoire de leur mettre un peu de plomb dans la tête. Je sais que c’est difficile, pour eux comme pour vous. Et il n’est pas question de sacrifier qui que ce soit mais de les sauver. En ne faisant rien, on sacrifie tout le monde : vous, vos enfants et la génération suivante. Les gangs ont besoin des jeunes et les jeunes ne peuvent plus rien faire sans les gangs. C’est une codépendance qu’il faut briser. Moi, je m’engage à tout faire pour démanteler les gangs et leur rendre la vie impossible. De votre côté, vous devez vous assurer que vos enfants profitent du vide créé pour retourner à l’école, s’éduquer et avoir une vie meilleure dans la légalité. Il n’y a que comme ça que nous pourrons transformer ce quartier.

La question économique devait bien finir par arriver à un moment ou à un autre et Stan s’y était préparé.

- L’activité économique a déserté ce quartier parce que l’insécurité est trop grande. Si ce quartier redevient agréable à vivre, l’activité économique reviendra. Mais ça ne résoudra pas tout. Je ne peux pas régler tous vos problèmes, pas plus que Tindall, Drake ou Gordon. Malgré les rumeurs, je ne suis pas Captain Seattle, je vous assure. D’ailleurs, je ne peux régler aucun de vos problèmes sans votre aide. Et je ne parle pas de vos voix mais bien de votre participation active dans la lutte contre la criminalité dans ce quartier. Votre sort est entre vos mains. Qu’est-ce que vous allez faire ? Vous allez laisser les gangs continuer à bousiller vos vies et celle de vos enfants ? Ou vous allez saisir la main que je vous tends et me laisser vous aider ?

Un silence imposant accueillit la déclaration de Stan. Il avait mis tout son cœur et cela se sentait.

- Bon je suis déçu, j'avais misé $30 que je vous ferai avouer que vous étiez Cap Seattle. Mais vous savez causer c'est sur !

Wyatt regardait sa tablette, les yeux plissés de concentration, mais un sourire se dessinait lentement sur son visage.

- Nos enfants mérite mieux, reprit celle qui l'avait interpellé. Et je ne sais pas si vous pouvez le leur offrir. Mais en tout cas vous proposez quelque chose de cohérent, et ça, c'est nouveau par ici.

Stan secoua la tête d’un air faussement dépité.

- Je ne supporte pas le lycra.

Il se tourna vers celui qui était le plus proche de lui pour ajouter.

- Et, oui, j’ai essayé.

Satisfait que tout le monde ait l’air d’accord avec lui, il donna quelques explications un peu plus philosophiques.

- On entend toujours les gens dire ici que l’Amérique est le meilleur pays du monde, celui où il fait le mieux vivre. Et vous et moi, nous savons que ce n’est pas toujours vrai, même si, en toute franchise, je suis très heureux d’être américain. Nos Pères Fondateurs ont évoqué dans la constitution, la recherche du bonheur comme droit fondamental. Je ne vais pas vous faire un cours de droit, mais il faut savoir que chaque mot est important. Et c’est ce que beaucoup de gens et beaucoup de politiciens ne comprennent pas. La constitution ne vous garantit pas le bonheur mais la recherche du bonheur. Si je suis élu, je ne résoudrai pas vos problèmes à votre place, j’essaierai simplement de vous mettre dans les conditions qui vous permettront de vivre votre vie pleinement et de rechercher votre bonheur.

Ca pouvait paraître un peu naïf, mais Stan l’idéaliste était sincère.

Cette fois-ci, quelques applaudissements, timides mais sincères traversèrent l'assemblée. Le discours naif mais plein d'énergie fonctionnait bien ici.

- Bon ben ça mérite bien une tournée, fit Jose. On entend pas souvent des discours positif par ici !

Rapidement l'assistance se déplaça vers le bar et se mélangea à l'équipe du candidat DA. Alors que plusieurs personne venait lui taper sur l'épaule et lui poser quelques questions, Wyatt lui montra son portable, ou une série de tweet retranscrivait son discours, accompagné du hashtag #donnigton4président

Stan se laissa féliciter et répondit de bon cœur aux questions qu’on lui posait. Quand Wyatt lui montra les tweets, il ne put réprimer un sourire mais il s’abstint de toute autre forme de réaction, préférant les garder pour le retour au siège de campagne, quand ils seraient entre eux.

Stan profita du moment pour manger son burrito aux crevettes et prit le temps de discuter avec les gens autour de lui. Il leurs posaient des questions sur leurs vies, ce qu’il faisaient dans la vie, leur famille, … Il parlait sport, les prestations des Seahawks, des Mariners et même des Sounders étaient passées au crible.

L'heure suivante passa rapidement. A l'aise dans les discussions sportives, la réponses au questions qui tournaient pour la plupart toutes autour du même sujet et le serrage de main, Stan n'eut aucun mal à briller et sans doute empocher quelques dizaines de voix de plus.

Il aperçut Wyatt en pleine discussion avec la jolie latino qui avait twité toutes son intervention, mais n'eut pas l'occasion de lui parler directement. Finalement, leur chauffeur se rapprocha pour lui murmurer quelques mots.

- On arrive à l'heure ou les gangs vont sortir de leur trou. Ils vaudrait mieux ne pas trop trainer ici.

Stan envisagea un instant de rester plus longtemps pour montrer qu’il ne craignait pas les gangs. Mais ça n’aurait sans doute servi à rien et il ne voulait pas mettre ses bénévoles en danger. Il se leva pour prendre une dernière fois la parole.

- Mes amis, je suis très heureux d’avoir passé ce moment avec vous. Je dois malheureusement vous quitter, j’ai encore beaucoup de travail qui m’attend si je veux espérer avoir l’opportunité de vous servir au mieux. Je remercie chacun d’entre vous d’avoir discuté, échangé avec moi. J’ai appris beaucoup de choses, vous m’avez beaucoup apporté. Je vous laisse pour le moment, plus résolu que jamais à mener jusqu’au bout le projet que je porte pour vous et tous les habitants du comté. Merci.

Prêt partir, il rassembla son équipe autour de lui.

Quelques minutes plus tard la voiture repartait vers le QG de campagne. Par la fenêtre, Stan pu voir des petits groupes, de ci d la qui semblait attendre et discuter entre eux. Les tatouages étaient de rigueur, ainsi que les mines patibulaires.
Stan se demanda un instant si le fils de celle qui l'avait interpellé était parmi eux.

=> QG de campagne.

Lakeview Cemetery

Stan gara sa voiture dans une petite rue pas loin de la cantina. Il entra dans l’établissement qu’il connaissait bien et salua amicalement le patron. Le DA n’avait pas eu le temps de se changer, il était toujours en costume noir, à la cravate noire qu’il avait mis pour les funérailles de Jake. Il chercha son frère du regard à travers la petite salle.

Parking de la morgue ==> Jose's cantina

- Bien sûr, je me souviens, mentit Stan en serrant chaleureusement la main de Shane.

Il se souvenait avoir vu les Carpenter lors de la convention républicaine chez Finley et il se souvenait que le vieux Carpenter tirait une drôle de tête chaque fois qu’il posait les yeux sur le compagnon de sa fille, mais Stan mit malgré tout un moment avant de se persuader que le gendre policier était l’homme qu’il avait en face de lui.

Espérant qu’il n’avait rien laissé paraître de sa méprise, il invita Shane à s’installer à une table avec lui d’un geste de la main.

- Joe avait l’air préoccupé au téléphone. De quoi s’agit-il ?

Car si le frère de Stan avait fait appel à son frère le jour des funérailles d’un ADA, c’était que le problème était urgent.