[Irlande] Dublin

Menotté, AJ cessa de se débattre. Amorphe, il ne quitta pas Camelia des yeux pendant que les garda l’emmenaient dans la voiture. Une fois qu’il perdit le contact visuel avec ce qui se passait, il se décida à parler aux gardas qui l’emmenaient en espérant qu’ils l’écoutent.

- Je dois parler à Harrinson.

Le garda était son point de contact chez les Irlandais pour l’infiltration, le seul à pouvoir parler pour lui.

Emmenant AJ vers la station de police, les policiers ne furent pas bavards. Quand AJ demanda à voir Harrisson, ils lui répondirent simplement qu’ils feraient ce qu’ils pourraient. Visiblement, ils n’étaient pas si sceptiques que ça et après le bordel du jour, l’idée que AJ soit un vrai flic ne devait pas paraître plus abracadabrantesque que tout ce qui s’était passé.
Ils arrivèrent très vite à la station de police qui était à l’autre bout de la rue et AJ fut directement emmené en salle d’interrogatoire où un officier l’attendait déjà, mais pas Harrisson. L’homme le laissa s’asseoir et sortit un carnet de notes.
- Bon… Vous pouvez m’expliquer ce que c’était que tout ce bordel là ?

Dans la salle d’interrogatoire, AJ était à présent calme, ou plutôt abattu. Il ne savait même pas si Camelia avait pu être réanimée. Mais il sentait bien que le type devant lui ne l’aiderait comme ça. Il répondit donc sur un ton monocorde.

- Je m’appelle AJ Dickerson, je suis sergent au Seattle Police Department aux Etats-Unis. Sur demande du FBI, j’ai été infiltré dans une cellule de l’IRA qui faisait transiter des armes en Irlande du Nord via Dublin. Il s’agissait d’une opération conjointe entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la République d’Irlande. Mon contact dans vos services s’appelle Harrinson.

Il leva les yeux et continua d’un air de défi.

- Maintenant à mon tour de vous poser la même question : c’était quoi tout ce bordel là ? Si vous n’aviez pas infiltré un de vos gars et si vous n’aviez pas décidé unilatéralement de mettre fin à l’opération en faisant venir l’artillerie lourde, on n’aurait pas transformé la ville en Little Big Horn.

Il pointa son index en direction du garda et conclut en serrant les dents.

- This mess is on you.

Le flic face à AJ écouta toute son histoire sans sourciller et se para d’un petit sourire à la fin.
- Plus sur le chef de la police alors, je ne suis qu’un exécutant. C’est lui qui a pris la décision d’arrêter là l’infiltration après la fusillade de l’autoroute. En tout cas si vous dites vrai nous aurons tôt fait de le vérifier.
Il s’assit ensuite sur la table, l’air plus détendu, sans doute était-il prêt à croire au moins une partie de ce que disait AJ.
- En tout cas à l’heure actuelle on a déjà 8 morts et 17 blessés de notre côté. L’équipe d’intervention au complet y est passé, c’était un piège à la mitrailleuse. Voilà ce qui s’est passé de notre côté, mais du vôtre ? Comment ça a pu dégénérer en fusillade ?

AJ leva les yeux au ciel.

- Vous n’avez pas entendu ? Les armes à feu n’ont pas fait grésiller vos écouteurs ? Ils sont tombés sur votre gars, celui que vous avez infiltré. C’était vraiment une idée à la con de mettre quelqu’un avec un micro là-dedans. Et le plus inquiétant, c’est qu’O’Neal savait qu’il avait un traître dans ces rangs avant le début de la réunion. Ca, ça pourrait vouloir dire qu’il y a une taupe dans vos services.

Il jaugea le garda du regard un instant, espérant ne pas être face à cette taupe, mais de toute façon les masques étaient tombés.

- Vous pouvez me dire ce qui est arrivé à ma partenaire ? Camelia ? Elle est vivante ?

AJ serra les poings, stressé, pendu aux lèvres de l’Irlandais.

L’air peu satisfait, l’agent répondit rapidement à AJ.
- Justement, ce qu’on a entendu c’était des bruits d’armes à feu dans tous les sens. On sait qu’il a été grillé, on a entendu. Ce qu’on ne pige pas c’est pourquoi ça a viré à OK Corral. Vous avez ouvert le feu pour le venger ?
Demanda-t-il d’un ton semi-accusateur, semi-inquisiteur. Concernant Camelia, l’agent fut très spécifique pour ne pas épiloguer.
- Je crois qu’ils ont pu la défibriller, mais on ne lui donne pas de grandes chances de survie, elle a été blessée très gravement.

AJ soupira et tenta de ne pas montrer son désarroi.

- Je pourrais avoir un café ?

Qu’on lui apporte ou pas, il se replongerait dans l’interrogatoire et répondrait une nouvelle fois sur un ton de défi.

- C’est pas parce que je suis Américain que je suis un cow-boy.

Il secoua la tête en soupirant.

- Les gens ont parfois du mal à admettre qu’ils ont été trahis, qu’on leur a menti. Surtout s’ils étaient proches du traître. Et dans mon métier, c’est la base de se rapprocher des gens qu’on va baiser. Un des membres de l’IRA n’a pas du accepter l’exécution sommaire d’un de ses amis et il a pété un câble. Après, ça a été le foutoir complet, plus personne ne savait qui tenait avec qui et ça mitraillait dans tous les sens. Un des gars a essayer de me descendre, je l’ai touché. Ensuite, je me suis mis à courir derrière O’Neal qui se faisait la malle. Camelia m’attendait avec sa voiture à la sortie, on l’a pris en chasse et vous connaissez la suite.

Concernant le café, un sourire ressemblant à une grimace s’afficha sur les lèvres de l’officier.
- Ça peut s’arranger.
Il fit signe à la vitre sans teint avec deux doigts levés puis repris l’interrogatoire ; Lorsque AJ se décida à lui expliquer ce qui s’était passé, il fit l’impasse sur son ton sarcastique et nota scrupuleusement tout ce qu’il lui avait dit.
- Donc, si je comprends bien, vous n’avez aucun rapport dans l’explosion de la situation ? Elle a pêté d’elle-même ?
L’homme était méfiant, comme un flic ne sachant pas à qui il s’adresse, mais ça ne voulait peut-être pas dire qu’il classait d’entrée cette histoire comme impossible.

AJ but une gorgée de café et répondit aussi sincèrement que possible.

- J'ai appris que la réunion était organisée après que votre gars ait pris contact avec moi pendant le match de rugby. On m'a demandé de m'y rendre sans armes et je me suis méfié. J'ai discuté avec des gars de l'IRA et je les ai poussé à se méfier de leurs patrons. Je me suis dit que si les choses tournaient mal, ça pourrait créer suffisamment de confusion pour me permettre de sauver ma peau. Ensuite, j'ai pris le seul moment que j'avais pour moi pour prévenir Camelia, qu'elle se prépare et qu'elle vous prévienne. Je lui ai donné les coordonnées d'Harrinson.

Sans quitter le garda des yeux, il poursuvit.

- Mais la situation n'a pas pété d'elle-même et elle n'a pas pété à cause de moi. Elle a pété parce que vous avez été assez cons que pour mettre un gars avec un micro au milieu d'un transfert d'armes de l'IRA.

Il but une gorgée de café et détourna le regard.

- Et je veux que ce soit consigné dans ma déposition.

L’Irlandais donna son café à AJ et lit en même temps une petite feuille qu’on lui tendait. Quand il eut finit sa lecture, il sortit la clé des menottes de sa poche.
- Bon, je vais pas vous encombrer plus longtemps avec ça agent Dickerson.
Il détacha donc AJ et s’assis l’air visiblement plus détendu que quelques secondes auparavant. Il écouta ensuite AJ tout expliquer et n’afficha pas le moindre changement d’émotion quand celui-ci parla du micro.
- Ok…
Se contenta-t-il de déclarer quand il demanda à ce que ce soit consigné. Quand la discussion fut terminée, il se leva finalement et déclara.
- Bon, plus de questions… Pour le moment. On va vous emmener à l’hôpital pour un check-up. Je suppose qu’après tout ce qui s’est passé, vous rêvez de pouvoir vous reposer un peu et panser vos plaies.

AJ déposa son gobelet de café vide et se leva, près à suivre le garda.

- Merci.

Il hésita à continuer et ajouta finalement :

- Et désolé pour votre collègue.

Les Irlandais avaient perdu l’un des leurs, et AJ l’avait vu mourir. Encore une chose avec laquelle il allait falloir vivre.

AJ se laissa conduire et ignora royalement les regards vindicatifs lancés par les civils. Il se laissa examiner et ne put s’empêcher de poser la question au premier médecin qui l’approcha :

- Il y a une femme qui a été amenée ici cette nuit, elle a dû être défibrilée. Elle s’appelle Camelia. Vous savez comment elle va ?

Au final, les blessures d’AJ n’étaient que superficielles mais il avait besoin de repos malgré tout, on lui attribua donc une chambre pour se reposer et un de ces pyjamas en papier pour les patients.
Une fois dans le couloir, le médecin qu’AJ interpella continua sa route sans même se retourner.
- Désolé monsieur, je ne sais absolument pas…
Il daigna quand même se retourner à moitié au bout de plusieurs pas sans s’arrêter de marcher.
- Demandez à l’accueil, ils vous renseigneront.
Puis il continua sa route d’un pas pressé. En fouillant un peu plus, à l’accueil ou auprès d’autres personnels plus aimables, AJ apprendrait que Camelia était en chirurgie et risquait d’y passer un bon moment.

A moitié à poil et sans s’offusquer des regards tournés vers lui, AJ décida donc de suivre le dédale de couloirs et d’ascenseurs pour arriver au service chirurgie où il espérait en apprendre plus. Il ignora complètement les éventuels examens qu’il lui restait à subir. Il voulait des nouvelles de Camelia.

La déambulation d'AJ dans les couloirs ne passa pas inaperçue et c'est très rapidement qu'une infirmière se dirigea vers lui au pas de course.
- Monsieur ! Vous devez retourner à votre lit, un médecin viendra rapidement s'occuper de vous.
Dans le même temps, il put voir qu'il était devant l'entré de la section chirurgie urgentiste et l'accès était strictement limité.

AJ utilisa ses dons d’acteur pour paraitre décontenancé.

- Oh, bien sûr. Excusez-moi, je suis un peu perdu.

Ensuite, il fit demi-tour pour prendre la direction de sa chambre, espérant que l’infirmière le laisse tranquille. Si c’était le cas, dès qu’elle ne serait plus en vue, il retournerait vers le service chirurgie et franchirait les portes à l’accès strictement limité. Après avoir infiltré l’IRA, ce n’était pas un petit service chirurgie qui allait l’arrêter.

La réponse d’AJ satisfait l’infirmière qui retourna à son travail. Cependant s’infiltrer dans le service de chirurgie serait compliqué car il n’y avait que des médecins et infirmiers, il lui faudrait soit se faufiler, soit se déguiser donc…
Par chance, il semblait y avoir un vestiaire sur son côté droit…

Se balader à moitié à poil dans une zone réservée au personnel médical n’allait pas être très discret. AJ approcha du vestiaire, vérifia que personne ne s’y trouvait, et si c’était le cas, en ressortirait quelques minutes plus tard en blouse blanche.