[North] Domicile des Cooks

C'était un coin tranquille comme on les aime après une bonne journée au bureau, ou après une longue semaine stressante. Un petit quartier bien sympathique en somme. La voiture approchait inexorablement de son but, et l'avocat ne semblait pas plus coopératif qu'avant, même si elle avait engagé la conversation avec lui. Elle voulait dire à Al de ralentir, mais elle ne pouvait pas sans risque de braquer le bonhomme derrière son siège. Malheureusement pour elle, la voiture de patrouille garée devant la maison s'en chargea bien mieux.

L'avocat s'énerva soudainement, braquant de nouveau son arme sur la tête de l'inspectrice qui rentra d'instinct, même si ça ne servait à rien, la tête dans les épaules, en fermant les yeux. Elle pensait sa dernière heure arrivée.

- Alexander je vous en prie...

L'accès de colère soudain du jeune homme après cette conversation banale, certes décousue, avait prit par surprise la jeune femme qui sentait qu'elle allait se mettre à chialer dans pas longtemps, tellement elle avait peur. Sa voix monta aussi dans les aigus pour ne rien arranger.

- On essaye de vous aider, vous êtes entrain de prévoir de TUER vos gosses putain ! Paula et Sean !

Fallait le dire, mettre des mots sur l'acte qu'il sous entendait commettre, insister sur le verbe. Sauf que le sous entendre permettait d'éviter de le dire, parce que le dire, c'était faire face à la réalité. La blondinette réagissait elle aussi de manière émotive, tout calme envolé par ce revirement de situation.

A peine avait-elle eut le temps de finir sa phrase sur un ton à demi hystérique que son collègue obèse pilla, faisant criser les quatre pneus de la voiture qui s'immobilisa rapidement, provoquant par la même occasion un déplacement de force vers l'avant. Pas attaché, l'avocat fut propulsé vers le pare-brise qu'il défonça. Décidément, c'était une constante pour lui aujourd'hui. Sally fut retenue par sa ceinture de sécurité, laquelle lui coupa la respiration. Comme elle ne s'y attendait pas, elle n'avait pas pu préparer son corps à recevoir le choc de l'arrêt.

La vue brouillé, les oreilles sifflantes de la détonation combinée aux pneus sur la route, la blonde redressa péniblement son visage, intact contre toute attente, reprenant peu à peu consistance. Elle aperçue vaguement Al lui parler sans rien comprendre ce qu'il disait.

Les sons, et la visions, devinrent plus clair quand, tel un zombi, l'avocat se releva et parti en titubant vers la maison avec sa foutue arme à la main. Ce mec était un dur à cuir avec une implacable conviction. La patrouille allait l'arrêter, c'était évident. Mais Sally espérait le chopper vivant. Péniblement, elle détacha avec difficulté sa ceinture de sécurité qui restait en position de sureté, coincée. Elle actionna le mécanisme de la portière. Passant les jambes d'abord, elle ondula hors de la voiture pour se tenir derrière le rempart de la portière.

Elle dégaina alors son arme et tira un coup en l'air en criant :

- Cook, tu fais un pas de plus et je te descends ! Arrête toi !

Elle espérait que la détonation entraine une prise de conscience chez l'homme. Quoiqu'il en soit, après cette sommation, l'inspectrice avait repointé son arme sur le jeune homme, prête à faire feu s'il se montrait ouvertement hostile. Et s'il continuait de rusher sa maison comme-ça, elle n'aurait d'autre choix que d'essayer de le neutraliser, par un tir à l'épaule ou au bras, voir aux jambes. Après est-ce qu'elle avait les compétences nécessaires à réaliser un tir de la sorte avec un vulgaire beretta, c'était une autre question. Une chose était certaine, elle ne pouvait pas laisser les enfants courir le moindre risque. Qui plus est, elle était certaine que les officiers de la patrouille le descendrait à vue une fois qu'ils auraient repérés son arme.

Le tir de sommation n’eut pas l’effet escompté. L’avocat s’arrêta et se retourna, tout en braquant son arme sur la jeune femme. Vigilante, elle tira, comme ses collègues de la patrouille et Al. Elle ne souhaitait pas sa mort, mais elle ne pouvait rien faire pour ses choix à lui. Le dénouement de l’histoire était bien différent de ce qu’elle avait imaginé. Quand Cook s’effondra sur la pelouse, devant les yeux de ses enfants qui plus est, Sally baissa son arme vers lui par pure précaution. Première journée, première arme à Seattle, et première utilisation.

Sans quitter des yeux le corps de Cook, la jeune femme approcha avec précaution. Elle ne savait pas s’il était mort ou pas, mais il y avait de fortes chances pour que ce soit le cas. Gardant le doigt sur la détente au cas où, elle se dirigea donc vers l’avocat pour écarter l’arme qu’il tenait afin de sécuriser la scène.

Si tout se passait bien jusque là, la jeune femme se pencherait sur l’homme pour constater les dégâts. Al ou un des deux officiers de la patrouille qui était là en protection, devaient surement être entrain d’appeler une ambulance, comme c’était souvent le cas dans ce genre de situation.

Sally éloigna l'arme du suspect avec son pied, qui venait de passer l'arme à gauche. Et elle n'y était pas pour rien, même si elle laissait le temps à la balistique de déterminer qui avait touché quoi dans le corps de Cook, si c'était possible. Elle n'avait jamais eut à utiliser son arme de service par le passé, et cette première fois, pour une affaire de famille, avait un gout amer. La blondinette fit un signe à Al, les paumes vers le sol, balayant l'air horizontalement. Elle souhaitait lui dire qu'il était mort, mais il devait déjà s'en douter. Elle se redressa, remettant sa propre arme dans son étui.

Un individu passa le seuil de la porte et arriva vers elle. Elle reprit une contenance. Après tout, elle était une professionnelle, et même si la journée était pour le moins éprouvante, elle devait faire bonne figure. A travers elle la police était représentée.

- Sally Wells, répondit-elle en montrant sa plaque. C'est bien lui oui. Elle montra du menton l'arme gisant sur le sol, avant de jeter un coup d’œil appuyé aux enfants. Je vous laisse deviner, articula-t-elle en reposant son regard sur son faciès. J'aimerai voir votre compagne, est-elle présente ?

Après tout, c'était plutôt à elle qu'elle devait rendre des comptes. Puis elle souhaitait éloigner l'homme de la scène de crime, même si les acteurs principaux étaient bels et biens connus.

La petite famille était sur le départ, comme le disait l'avocat qui ne ferait plus jamais aucune plaidoirie, dans ce monde du moins. Sally suivit le "copain" de l'ex-femme de Cook jusque dans le salon. Les enfants étaient choqués et c'était plutôt normal. Ils venaient de voir leur père mourir sous leurs yeux. La femme qui lui faisait face n'était pas en reste côté émotion, et elle semblait à deux doigts de pleurer. Pesant ses mots devant les enfants, Sally se contenta de répondre :

- Il voulait voir ses enfants, madame, avant que vous ne partiez pour Hawai.

Pas la peine d'en rajouter devant les enfants, en affirmant qu'il souhaitait les voir une unique et dernière fois, pour toujours. Il ne fallait pas que les mômes gardent ce souvenir de leur père. Ils n'étaient pas en âge de comprendre pourquoi leur père avait réagit comme ça.

- Il était à bout. Je suis vraiment désolée que ce se soit fini de la sorte Sally marqua une pause, l'air contrit, avant d'ajouter, affichant un certain professionnalisme. Est-ce que vous savez où il logeait depuis votre séparation ?

Un petit tour à son domicile s'imposait ensuite.

- Je vous remercie, si vous voulez bien m'excusez.

Sally prit congé sur ses quelques mots. Qu'est-ce qu'elle pouvait dire de plus à ces pauvres gens ? Il fallait laisser du temps au temps comme on dit. Bon il lui restait à aller faire un petit tour du côté de l’appartement près du port. La blondinette ne savait pas si c'était nécessaire, ou si c'était sa conscience qui lui dictait de le faire, pour connaître un peu plus l'homme qu'elle avait contribué à abattre aujourd'hui.

Elle retourna vers Al. Les secours n'allaient pas tarder, même s'ils ne pourraient que constater la mort de l'homme gisant là, sur la chaussée.

- Ca va Al ? Pas trop secoué ? Elle marqua une pause, histoire de laisser son collègue obèse répondre, avant d'ajouter : Son ex femme m'a dit qu'il loué un appart près du port, tu penses que ça vaut le coup d'aller voir ?

La jeune femme afficha un sourire sur son faciès histoire de consoler Al. Après tout, il lui avait probablement sauvé la vie en pilant comme il l'avait fait. L'avocat s'était retrouvé dans le pare-brise. Bon elle avait failli prendre un pruneau quand même. La balle n'avait pas du passer bien loin de son crane. Fallait croire que ce n'était pas son heure, pas encore.

En parlant de pare-brise, la jeune femme ne saurait sans doute jamais pourquoi l'avocat avait défoncé son pare-brise de l'intérieur. En fait, elle avait pas mal de question à lui poser, mais ça devrait attendre qu'elle passe l'arme à gauche elle aussi, si tant est qu'il y avait un monde après la mort où on pouvait faire la causette. Quoiqu'il en soit, elle tapa sur l'épaule du policier, amicalement, avant d'ajouter :

- Aller, Al, on pourra dire partout que la Guigne m'a sauvée la vie.

La blonde essayait de mettre un peu d'engouement dans sa voix, mais ce n'était pas super convaincant. Néanmoins il avait raison. Ils allaient devoir se faire ramener, leur voiture n'étant plus vraiment en état de rouler, du moins en assurant un minimum de sécurité pour ses occupants, parce que le moteur lui était intact. Il n'y avait pas beaucoup de travaux à faire dessus, juste un pare-brise à changer, ce n'était pas la mer à boire.

- Vous nous ramener les gars ? demanda-t-elle à ses collègues de la patrouille. Le temps que le CSI embarque le corps et ils pourraient lever le camp. Sally n'avait pas envie de se coltiner les journalistes, ce n'était pas vraiment son truc.