[Panama] Panama City

La jeune demoiselle ne retînt pas AJ et se rhabilla en même temps que lui. Au moment où il sortait, elle lui glissa une carte dans la poche.
- La prochaine fois que tu passes par le canal, penses à moi bébé... Je fais pas de carte de fidélité mais je suis constante... Tu ne le regretteras pas plus qu'aujourd'hui.
Elle le laissa repartir et s'occupa de fermer la porte et rendre les clés à l'accueil. Une fois de retour au port, AJ put voir que le bateau avait presque terminé d'être au niveau du canal. Il remarqua également une chose étrange : plusieurs véhicules étaient garés à côté de la passerelle du bateau.

- J’y penserai, promit Michael en souriant, et tu peux compter sur moi pour te faire de la pub.

Michael s’apprêtait à remonter à bord du navire quand il remarqua les voitures. Les forces de l’ordre ? Il fallait espérer que non. Sinon, le voyage en Irlande serait vachement compromis. Il s’approcha un peu, genre badaud, le curieux qui va simplement voir ce qui se passe.

Alors que AJ tournait autours des voitures, il sentit une main se plaquer sur son épaule et le tirer violemment en arrière. Apparu alors un mec qu'il n'avait jamais vu sur le bateau qui lui gueula dessus en anglais, feignant (assez mal) un accent Américain.
- Occupe-toi de tes affaires toi ! T'as rien à faire ici, zou !
Le type était visiblement agressif... Et armé...

Michael fut tiré en arrière et répondit presque par réflexe.

- Easy, Lennie.

Des Souris et des Hommes, l’une des rares références culturelles de Mike qu’il balançait sous forme de vanne.

- Tu peux au moins me dire ce qui se passe, non ?

Usant de ses capacités à raconter n’importe quoi n’importe quand et à se montrer convaincant, Mike tenta d’amadouer son interlocuteur.

- Un marin de ce bateau est dans un bar plus loin. Il est occupé… avec une fille si tu vois ce que je veux dire. Il m’a demandé de venir ici prévenir ses potes.

Mike espérait que l’information permette au moins de savoir si tous les marins étaient recherchés.

Le type dévisagea AJ un bref instant et finit par s'écarter de son passage.
- Ok, passe.
Disant cela, il décrocha sa radio et dit encore en Anglais mal prononcé.
- Un type monte à bord. Il a un message...
Le type se tourna vers AJ.
- De la part de ?
Après qu'AJ ai répondu à sa question, il s'écarta et le laissa monter à bord.

Celle-là, Michael ne l’avait pas vue venir. On le laissait passer, mais il ne savait toujours pas ce qui se passait. Il resta face au malabar qui l’avait chopé et jura.

- Mais bordel, est-ce que tu vas te décider à me dire ce qui se passe ? T’es flic ? Douane ?

Il envisagea un instant d’essayer de neutraliser l’armoire à glace. D’accord, le type était balaise, mais il avait l’avantage de la surprise. Et il aurait au moins l’avantage de pouvoir lui soutirer des informations de manière moins subtile. Il regarda discrètement autour de lui pour voir si quelqu’un se rendrait compte d’une lutte et tenta d’évaluer si le gros était prenable avant de se décider à répondre à la question.

Il donna le nom d’un marin qui l’avait accompagné au bar. Evidemment, comme Michael s’était éclipsé en charmante compagnie, il n’avait aucun moyen de savoir si le marin était revenu à bord ou pas.

Le type perdit son sourire face à la réaction d'AJ et après un bref coup d’œil à sa gauche et à sa droite, il révéla ses intentions en sortant de sous son manteau un pistolet qu'il braqua sur AJ.
- Callate la boca.
Tenant toujours le faux marin en joue il désigna la passerelle et fit signe à AJ de monter à bord.

Michael leva les mains par réflexe

- Whow, qu’est-ce qui se passe là ?

Michael sourit pour essayer de détendre l’atmosphère. Ne comprenant pas l’espagnol, il continua à parler.

- Non, mais j’ai dû me tromper de bateau. Je vais retourner d’où je viens et ce marin n’a qu’à aller se faire mettre…

Il esquissa un mouvement pour se dérober mais vu la réaction de l’autre, il obtempéra rapidement et grimpa sur la passerelle pour monter à bord.

- Tu fais une connerie, mon vieux. Je sais pas ce qui se passe, mais j’ai rien avoir là-dedans.

En voyant la mauvaise volonté que mettait AJ, le type lui mit un coup de crosse sur le crâne et le pressa à bord avec l'air de s'impatienter.
- Hurry and shut up.
Une fois sur le pont du bateau, d'autres bonhommes vinrent à la rencontre du garde à l'extérieur et après avoir échangé quelques paroles, d'autres bonhommes l'emmenèrent un peu plus haut, dans la salle de navigation que AJ trouva repeinte d'une étrange peinture rouge... Peut-être pas si peinture que ça... Il sentit alors une main sur son épaule qui appuyait fort.
- A genoux ! Allez !

Michael cessa toute forme de résistance après le coup de crosse. En voyant le sang sur les murs de la cabine et en sentant la pression sur l'épaule pour le mettre à genoux, il eut immédiatement la conviction qu'on allait l'exécuter d'une balle dans la nuque. Sans réfléchir, guidé par son instinct il tenta de se dérober de la pression et, dans le même élan, balança son coude en arrière de toutes ses forces en espérant couper le souffle de son agresseur.

Si la manœuvre fonctionnait, Michael se mettrait à courir vers la sortie la plus proche et à fuir dans les coursives en espérant trouver une cachette appropriée.

AJ était déjà à mi-chemin à genoux en balançant son coup de coude et bizarrement, le coup qu'il donna était magnifiquement mal placé et au lieu d’atterrir dans l'estomac de son agresseur, il alla démolir la partie tendre de son entrejambe. L'homme poussa un cri de pucelle étranglée, s'effondrant sur le sol terrassé par la douleur. Dans le même temps, le type qui avait amené AJ à la cabine, le guetteur de dehors essaya de dégainer son arme mais un AJ courant pour sa vie le repoussa violemment contre l'encadrure de la porte sur laquelle il se tapa la tête. La seconde d'après, un coup de feu retentissait et AJ put sentir quelques gouttes de liquide arriver sur sa nuque. Cependant il n'y avait ni douleur, ni blessures apparentes et ce n'était qu'en se retournant qu'il comprendrait que l'arme s'était déchargée en tombant, envoyant de ce fait une balle qui avait explosé la mâchoire de son agresseurs, l'aspergeant de sang. Dehors, un éclat de voix en espagnol parvînt à AJ.
- (Espagnol) Vous avez été rapide ! Redescendez ! faut qu'on trouve vite cette cargaison !

Surpris par les éclaboussures de sang, Michael hésita à continuer ou se retourner. Cette hésitation lui fit perdre l’équilibre et il tomba au sol en se retournant. Il fut soulagé de voir le cadavre et se rua à quatre pattes vers l’arme qui gisait au sol. Il tenta de s’en saisir et, s’il y arrivait, retournerait dans la salle de navigation pour braquer la pucelle étranglée.

Michael ne parlait pas espagnol, tout juste quelques mots entendus pendant son séjour en Arizona. Il essaya d’imiter la voix du type avec qui il avait négocié sur le quai et répondit aussi laconiquement que possible.

- Si.

Croyant avoir ramassé un Berretta, Michael dût regarder deux fois la marque de l’arme pour s’assurer d’avoir bien lu. Il s’approcha de celui qui avait essayé de le tuer, enclencha le cran de sûreté pour s’assurer qu’aucun coup ne parte. Il fit pivoter l’arme dans sa main avant d’asséner un violent coup de crosse en direction de la pommette de son agresseur.

A environ un mètre cinquante du blessé, il pointa son arme en direction du visage du type. Il s’adressa à lui en serrant les dents.

- Je veux savoir qui vous êtes, qui vous a envoyé et pourquoi.

Il désenclencha le cran de sûreté sans quitter le blessé des yeux et sourit.

- Vas-y, chante petit oiseau.

Malgré la douleur encore aigüe qui lui parcourait l'entrejambe, le type réagît au coup que lui porta AJ et accorda un peu d'attention à l'Américain. Il trouva un peu de courage pour lui répondre avec une insulte.
- Raah... Fuck you...
Néanmoins le petit déclic du Taurus eu l'air de le faire réfléchir.
- On veut les flingues, on en a besoin, pour la lutte dans le sud, en Colombie. Voilà, t'es content ?

Michael faisait fonctionner son neurone.

- Une guérilla ? Laquelle ? Vous devez sacrément être en manque pour venir jusqu’ici.

Il ne répondit pas à la question qui de toute évidence était rhétorique et enchaîna avec d’autres questions plus importantes.

- Comment vous avez eu l’info ?

Une fois que le type aurait répondu, il y avait le plus important.

-Qu’est-ce qui est arrivé aux autres ? Vous avez exécuté tout le monde ?

Il fallait savoir ce qui était arrivé à l’armurier.

Le type à terre semblait éprouver autant de mépris envers AJ que de peur envers le canon de l'arme. Au final c'était certainement cette peur qui allait l'inciter à répondre après...
- Je sais pas putain ! Notre chef nous a dit qu'on allait à Panama aujourd'hui, qu'il avait eu vent d'une cargaison de flingues qui allait transiter ici, via ce bateau. C'est tout ce que je sais.
En ayant dit cela, il écarquilla les yeux, réalisant qu'il n'était plus d'une quelconque utilité. Il se dépêcha d'enchaîner.
- Heu non ! Non ! ceux qui résistaient ! Les autres non, je peux te montrer où !

Michael hésitait à abréger les souffrances de son bourreau, mais le coups de feu aurait de toute façon fait trop de bruit. Et puis, la proposition était intéressante. Il s’écarta du passage pour laisser passer le type.

- Passe devant. Et s’il te prend l’envie de préparer un coup fourré, rappelle-toi que ce ne serait pas la première fois que j’abats quelqu’un dans le dos.

Du bluff, bien sûr, mais Mike était assez confiant dans ses capacités à passer le cap. Le type n’avait pas intérêt à tenter sa chance.

Michael n’eut même pas le temps de laisser échapper un juron. Il tira, visant tant bien que mal, mais l’important était de tirer et d’empêcher les autres de faire pareil. L’objectif était quand même de tuer ou au moins faire mal. Ce qu’AJ n’avait pas anticipé, c’était que les parois métalliques de la cabine rendaient le lieu propice aux ricochets. Il tira quatre ou cinq coups avant de se décider à se mettre à couvert, dans la coursive, à côté de la porte. Si son guide était toujours là, s’il n’avait pas encore eu le temps de fuir trop loin, Michael en profiterait pour lui mettre une balle dans le crâne.