Pocatello, ID

Xiang se retrouva avec une commande de sundaes pour les enfants, une part de cheesecake pour la mère et un café pour le père et la grand-mère. Le père de famille raccompagna Xiang et se mit devant le comptoir pendant que le jeune Chinois préparait sa commande.

- Ca fait longtemps que vous travaillez ici ? Je ne vous ai jamais vu.

Il avait l’attitude d’un père de famille avec tout le monde, comme s’il se sentait obligé de veiller sur la ville entière en plus de ses enfants.

Xiang nota la commande dans sa tête tout en se disant qu'il ferait bien de prévoir un petit carnet pour les jours où il aurait plus de commandes à prendre. Il se rendit donc derrière le comptoir pour préparer les commandes, épaulé par la compagnie agréable du père de famille. Il répondit ce dernier avec une grande politesse tout en tranchant les parts de cheesecake et en faisant couler les Sundae.
- C'est normal, je viens d'arriver. Rufus m'a embauché aujourd'hui. Donc j'apprend vous voyez.
Il dit cela en avançant ses commandes et avec un grand sourire.

En revenant derrière le comptoir, Xiang remarqua qu'il y avait déjà un petit carnet qu'i aurait pu prendre pour la commande. C'était une erreur de débutant et le métier qu rentrait.

- Je viens ici depuis que je suis gamin, répondit le père de famille. Scoops & Sweets fait partie de Pocatello depuis aussi loin que je me souvienne, et 'ai toujours connu Rufus derrière le comptoir.

Il avait l'air pensif, peut-être nostalique.

- Vous êtes du coin ? Demanda-t-il pour voir si son évocation représentait quelque chose au serveur.

Xiang écouta le monsieur avec une sorte de demi-fascination pour ces gens, évoquant une vie tellement plus simple... Ennuyeuse ? Peut-être pas, Xiang avait beau ne pas être famille, il ne voyait pas comment élever des enfants et une famille pouvait être ennuyeux.
- Pas du tout ! je suis arrivé en ville aujourd'hui, avec des amis. On est un peu barroudeurs et on a décidé de s'installer ici. On a pas encore décidé combien de temps à vrai dire mais sans doute pour un petit moment... On veut souffler un peu.
En terminant sa phrase, il prit tous les desserts et les emmena à la table. Xiang eu la politesse de ne pas donner l'addition de suite, ils règleraient quand ils sortiraient.

- Bienvenue à Pocatello, dit le père de famille en raccompagnant Xiang jusqu’à la table.

La petite famille profita de ses desserts, personne d’autre n’entra dans le commerce. Après un bonne demi-heure, le père leva la main pour appeler Xiang et demanda l’addition.

- Et vous logez où ? Dans un hôtel ?

Xiang remercia le type avec un sourire chaleureux et attendrait bien qu'il l'appelle pour lui apporter l'addition. Il répondit à sa question en commençant à débarrasser les plats.
- On dors où on peux en fait. On va voir si on peux trouver un motel ce soir et sinon, ce ne sera pas la première fois qu'on dort à la belle étoile !
Dit-il confiant, absolument pas inquiété par cette idée.

Le type sortit son portefeuille et paya en ajoutant quinze pourcents de pourboire. La vieille dame à côté de lui réagit quand Xiang évoqua la nuit à la belle étoile, elle parla au père de famille dans un langage que le jeune Chinois ne comprit pas et n’identifia pas. L’homme acquiesça et donna des explications à Xiang.

- Ma mère ne veut pas que vous dormiez dehors. Nous avons un logement que nous pourrions mettre à votre disposition, enfin si vos amis ne sont pas trop nombreux… Nous ne pouvons pas accueillir plus de six personnes.

Imaginant que ce qu’il venait de dire surprendrait Xiang qu’il ne connaissait que depuis quelques minutes, il continua à s’expliquer.

- Nous vivons dans la réserve de Fort Hall. Si certains de vos amis peuvent donner un coup de main à la communauté, nous mettrons ce logement à votre disposition gratuitement.

Xiang laissa les clients parler entre eux et fut très surpris par leur offre. Il tenta d'abord de refuser poliment.
- Oh c'est très gentil mais...
Mais de toute manière il n'eut pas le temps de finir sa phrase et ne la finirait jamais : après tout ce n'était pas une offre qui se refusait... Quand à donner un coup de main, il demanderait à Rufus s'il ne pouvait pas plutôt laisser sa place à Dee pour faire lui, les travaux durs des champs.
- Eh bien... Je vous remercie de votre offre, c'est très généreux de votre part, je pense que mes amis seront ravis de vous donner un coup de main. Nous sommes 4 en tout, en comptant moi.

Le père de famille se présenta en tendant la main à Xiang.

- John Blackawk.

Il inscrivit son numéro de téléphone sur un bout de papier.

- Venez nous rejoindre quand vous aurez terminé votre service ici.

Xiang serra la main de son interlocuteur et hocha la tête pour confirmer leur accord.
- Ça marche... Merci à vous, c'est très gentil.
Xiang prit le numéro de téléphone et le mit dans sa poche pour le reprendre plus tard. Il nota aussi l'adresse avant qu'ils puissent repartir.
- Pas de soucis, je vais faire ça ! Je vous dis à ce soir donc.

La famille d’Amérindiens quitta l’établissement et Xiang put débarrasser et faire la vaisselle. Tout était calme. Dix minutes avant la fermeture, Rufus revint derrière le comptoir, il avait l’air soucieux.

- Foutue paperasse.

Son expression s’adoucit un peu quand il vit Xiang.

- Tout s’est bien passé ?

Xiang laissa la petite famille repartir et leur fit un signe accompagné d'un sourire de reconnaissance. Après, il vint à la rencontre de Rufus quand ce dernier réapparu et il lui répondit rassurant.
- Très bien passé, merci... La famille Blackawk est passé prendre un goûté.
Hésitant, il demanda, précautionneux.
- Un soucis ?

Rufus sourit en entendant le nom de la famille amérindienne.

- Ah, comment ils vont ? Sundaes et cafés ?

Il balaya la question de son employé d’un haussement d’épaule.

- La paperasse, toujours la paperasse. Ces fumiers de l’IRS finiront par avoir ma peau.

Il regarda sa montre et l’état de la cuisine, bien rangée.

- C’est bon, tu peux y aller. Reviens demain pour l’ouverture, à dix heures.

Xiang répondit à Rufus avec un sourire et hocha la tête quand il détailla la commande.
- Ils ont prit une part de cheesecake aussi.
Xiang prit ensuite un air un peu songeur et déclara.
- Ça a vraiment l'air très bien cette petite ville. Tout le monde se connait, c'est convivial.. Je trouve ça vraiment formidable.
Dit-il avec sincérité à Rufus. Il se contenta de faire une grimasse et d'hausser les épaules quand ce dernier parla d'IRS.
- Can't tell.. Je n'ai jamais vraiment rencontré ces types.
Il sourit à son chef et lui fit un petit signe.
- Eh bien à demain alors !
Et il se rendit au point de rendez-vous en courant parce qu'il devait avoir fait poireauter ses amis un sacré moment là...

Xiang arriva effectivement en dernier au point de rendez-vous. Les autres l’attendaient. Dee lui sauta au cou comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis des mois.

- Nous, on a chié dans la colle, déclara Luis. Ca a été mieux pour toi ?

Mel se mit à rire à l’expression employée par le latino. L’ambiance dans le groupe au moins était bonne.

Le jeune asiatique embrassa sa copine amoureusement avant de sourire à la déclaration de ses amis et, pas peu fier, il leur annonça la nouvelle.
- Moi je me suis trouvé un job, et un toit pour nous tous.
Puis il haussa les épaules.
- Pourquoi vous croyez qu'ils délocalisent tous en Chine ? On est surhumains !
Plaisanta-t-il de bon cœur avec ses amis. Il redevînt ensuite sérieux et leur expliqua les tenants et les aboutissants de ce qu'il avait découvert.
- Je me suis trouvé un job de vendeur de glaces. C'est pas grand chose mais ça nous permettra de bouffer. Quand au logement, c'est une famille des environs, ils acceptent de nous donner un toit si on leur file quelques coups de main à leur ferme. C'est gagnant-gagnant.
Il se tourna ensuite vers Dee et déclara.
- Comme ya rien d'officiel, je pensais demander à mon patron de laisser Dee prendre ma place. Qu'est-ce que tu en penses ?

La vanne de Xiang sur les délocalisation en Chine déclencha une vague de rire. L'ambiance au beau fixe était accentuée par les deux bonnes nouvelles qu'il venait d'amener.

- En même temps, commenta Luis en riant, pourquoi est-ce qu'on se casserait le cul à essayer de trouver quelque chose alors que tu le fais très bien toi-même ?

Dee trouva une autre bonne nouvelle dans l'annonce de Xiang.

- Ca veut dire qu'on peut avoir des glaces à l'oeil ? Demanda-t-elle avec des étoiles dans les yeux.

Elle sourit à l'attention que montrait son petit-ami envers elle en voulant lui épargner les pénibles travaux de ferme.

- Je ne suis pas sûre que les travaux lourds soient très indiqués à quelqu'un qui s'est pris une balle dans l'épaule il y a moins de quarante huit heures.
- On aura le temps de s'organiser directement avec tes amis, intervint Mel. Quand les retrouve-t-on ?

Xiang accompagna le rire de ses amis et repris ensuite la discussion plus sérieusement. Quand sa copine demanda pour les glaces, il lui répondit avec un sourire navré.
- Heu... Une remise peut-être... A l'œil, rêve pas mon amour.
Dit-il en lui déposant un baiser tendre sur le front. Quand Mel évoqua la balle, Xiang fit le garçon vexé.
- Peuh, il en faudra plus pour buter un Chinois. Imbattable je vous dis !
Et il se fendrait d'un nouveau rire avant de redevenir un peu sérieux.
- Vous avez raison, faut peut-être que j'attende un peu pour me mettre au boulot. Mais à terme, on pourra peut-être échanger nos places, enfin si mon patron est d'accord, et si le travail est dur. On va voir.
Ces mots cloraient le débat et il essayerai de trouver une cabine téléphonique pour contacter ses bienfaiteurs.

Dee avait l’air déçue de ne pas avoir droit à des glaces gratuites.

La discussion terminée, le groupe se mit à la recherche d’une cabine téléphonique. Malheureusement, les années 2000 et la démocratisation des gsm étaient passées par là. Pas un seul ancêtre des télécommunications en centre-ville. Il allait falloir trouver un autre moyen de téléphoner.